Kinshasa, RDC – Discrète mais stratégique, la Première ministre Judith Suminwa intrigue autant qu’elle rassure. Entre silences calculés, arbitrages feutrés et fidélités éprouvées, voici ce que révèlent — ou murmurent — les insiders du pouvoir à propos de sa méthode.
Première femme à la tête d’un gouvernement en RDC, Judith Suminwa est souvent décrite comme une technocrate sage et pondérée. Mais derrière ce calme apparent, elle développe une approche du pouvoir qui détonne dans un environnement politique hyperactif. À Kinshasa, dans les ministères, les ambassades et les salons de la majorité, chacun y va de son analyse. Entre fascination, scepticisme et calculs, cinq choses reviennent régulièrement dans les conversations en coulisses.
- Elle écoute plus qu’elle ne parle, mais tout finit par remonter à elle Sa réputation d’être « à l’écoute » n’est pas une légende. Judith Suminwa consulte beaucoup, souvent en tête-à-tête, loin des caméras. Un conseiller ministériel qui nous a parlé sous anonymat, rapporte qu’« elle t’écoute sans t’interrompre, et trois jours plus tard, ta note est déjà entre les mains du bon cabinet ». Ce style permet une remontée d’informations efficace et crée une atmosphère de confiance.
- Son cercle restreint est plus politique qu’il n’y paraît officiellement, elle est entourée de technocrates. En réalité, son cabinet est discrètement structuré autour de figures politiques de l’UDPS ou d’anciens fidèles du chef de l’État. L’un de ses collaborateurs, ancien conseiller à la Présidence, agit comme interface officieuse avec le Palais de la Nation. Ce maillage hybride lui permet de garder une main sur les équilibres sans s’exposer.
- Elle joue la carte de la loyauté présidentielle sans excès de zèle Elle ne surjoue pas sa proximité avec Félix Tshisekedi. Contrairement à Sama Lukonde, souvent perçu comme trop dépendant du chef, Judith Suminwa reste sobre. Un diplomate européen nous confié qu’ « elle incarne une loyauté institutionnelle, pas affective. C’est subtil, mais très congolais. » Cela lui vaut d’être respectée même parmi ceux qui ambitionnent sa place.
- Elle gère les crises… en différé L’affaire des salaires impayés aux enseignants de Kinshasa, par exemple, a été laissée au ministre de tutelle pendant plusieurs jours. Puis la Primature a convoqué une réunion d’arbitrage, validant discrètement des mesures budgétaires. Un ministre nous a affirmé qu’« elle ne panique jamais. Mais quand elle décide, tout le monde s’aligne. » Cette méthode tranche avec l’agitation coutumière de la sphère politique congolaise.
- Son défi : s’imposer sans bruit dans une arène dominée par les egos Judith Suminwa gouverne parmi des poids lourds comme Bemba, Kamerhe ou Lukwebo. Pour l’instant, elle opte pour la neutralité active : peu de prises de parole publiques, mais une influence croissante dans les arbitrages. Une source à l’Assemblée nationale glisse qu’elle n’a pas besoin de parler fort. Elle attend que les autres s’usent. Ce pari du temps long est risqué dans un environnement où la perception d’autorité vaut souvent plus que son exercice réel.
Son style tranche avec le tumulte habituel de la vie politique congolaise. Mais dans un environnement où le silence peut être interprété comme de la faiblesse, Judith Suminwa joue une partie subtile. Pour combien de temps encore pourra-t-elle tenir cette ligne sans éclat ni fracture notamment avec la guerre à l’est et le rapprochement du président Tshisekedi avec Martin Fayulu ?
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