Chaque année, des milliards de dollars quittent la diaspora congolaise pour atterrir en RDC. Ces fonds, vitaux pour des millions de familles, représentent un pilier économique essentiel, souvent bien plus conséquent que l’aide internationale. En 2019, la diaspora congolaise a transféré 2,1 milliards de dollars US, et 1,9 milliard de dollars en 2020, des chiffres qui rivalisent, voire dépassent, l’aide au développement et les appuis budgétaires du FMI. En 2023, la diaspora a envoyé 1,4 milliard de dollars, face aux 405,4 millions de dollars du FMI. C’est dire l’ampleur de leur contribution.
Pourtant, la reconnaissance de cet effort colossal par les autorités congolaises est quasi-inexistante, voire méprisante. La diaspora envoie, le pays encaisse, mais en retour, l’État se soucie peu de ses contributeurs. Voici sept preuves flagrantes que la RDC se moque éperdument de sa diaspora, la laissant sans voix, sans droits et sans réel poids politique, malgré son sacrifice financier.
- La Fiscalité à Double Sens Unique : Toujours Payer, Jamais Bénéficier
Les transferts d’argent de la diaspora sont soumis à des frais élevés et souvent à des taxes indirectes, représentant une manne financière considérable pour les caisses de l’État. Des études ont montré que 72% des immigrés de la RDC font des transferts, envoyant en moyenne 1 764 USD par an. Ces transferts peuvent représenter jusqu’à 12% de leur revenu annuel. Mais où vont ces fonds ? Rares sont les investissements concrets et transparents de l’État en faveur de la diaspora ou des infrastructures qui faciliteraient leur retour ou leurs projets.
Ailleurs en Afrique: Contrairement à la RDC, des pays comme l’Éthiopie mettent en place des incitations fiscales claires pour les investissements de la diaspora, offrant par exemple des exonérations de droits de douane sur l’importation de biens d’équipement pour des projets spécifiques. D’autres nations africaines tentent de canaliser ces fonds vers des projets de développement structurés, reconnaissant leur rôle au-delà de la simple consommation. La RDC, elle, se contente d’encaisser sans réelle redevabilité ni bénéfices tangibles pour ceux qui contribuent.
- Le Coût Exorbitant du Visa et les Frais de Voyage : Payer Cher pour Rentrer chez Soi
Alors que d’autres pays facilitent le retour de leur diaspora, la RDC leur impose des obstacles financiers considérables. Le coût des visas est prohibitif pour de nombreux ressortissants d’origine congolaise, allant de 45 USD pour un visa de transit aéroportuaire aller simple à 450 USD pour un visa à entrées multiples de 6 mois. Un visa simple entrée de 1 mois coûte 100 USD. Ces montants s’ajoutent à d’autres frais incontournables : le Go-Pass (redevance pour la sûreté aéroportuaire) coûte 50 USD, et les taxes aéroportuaires varient de 50 à 55 USD, en plus des taxes gouvernementales sur les billets d’avion. La taxe Go-Pass, à elle seule, a généré plus de 362 millions USD en 15 ans, une somme colossale payée en grande partie par les voyageurs, y compris la diaspora. Ces dépenses s’accumulent, rendant le simple fait de visiter le pays natal un luxe que beaucoup ne peuvent se permettre. Face à la demande de la diaspora de supprimer le Go-Pass, Félix Tshisekedi n’a pas exclu cette possibilité, mais la mesure reste en vigueur.
Ailleurs en Afrique: En Afrique du Sud, par exemple, les frais de visa pour des séjours de courte durée sont significativement inférieurs (environ 10 USD pour un visa de visiteur, hors frais de service), démontrant une approche plus accessible pour le retour des ressortissants. Peu de pays imposent des taxes de sortie aussi onéreuses et controversées que le Go-Pass congolais à leur propre diaspora.
- L’Obstacle de la Double Nationalité : Exclure Plutôt qu’Intégrer
Malgré des débats récurrents, la question de la double nationalité reste un serpent de mer en RDC. Sa non-reconnaissance contraint des milliers de Congolais de l’étranger à choisir entre leur pays d’accueil et leur patrie d’origine, limitant de fait leur pleine participation civique, politique et économique. Plutôt que d’embrasser ce potentiel inestimable et de faciliter les retours ou les investissements, Kinshasa préfère les maintenir à distance, sous un statut précaire qui freine leur engagement.
Ailleurs en Afrique: Des pays comme le Maroc et l’Afrique du Sud reconnaissent et gèrent la double nationalité de leurs citoyens. Le Maroc, notamment, encourage cette double allégeance comme un levier pour maintenir des liens forts avec sa diaspora, qui contribue activement à l’économie nationale. Cette reconnaissance permet une intégration plus fluide et une plus grande implication de la diaspora dans les affaires de leur pays d’origine.
- Le Vote de la Diaspora : Une Promesse Électorale Jamais Tenue
À chaque cycle électoral, la même rengaine : la promesse d’un vote de la diaspora. Pourtant, scrutin après scrutin, cette promesse reste lettre morte. Des millions de Congolais à l’étranger, pourtant attachés à l’avenir de leur pays, sont systématiquement exclus du processus démocratique. C’est un déni flagrant de leurs droits civiques et une preuve que leur voix ne compte pas, malgré leur contribution financière essentielle.
Ailleurs en Afrique: Environ 37 des 54 pays africains ont déjà mis en place des lois permettant à leur diaspora de voter. L’Afrique du Sud, par exemple, permet à ses citoyens vivant à l’étranger de voter aux élections nationales, avec des procédures claires pour l’inscription et le vote. Même le Nigeria, malgré des défis de mise en œuvre, a un débat et des efforts parlementaires actifs pour accorder ce droit, ce qui est loin d’être le cas en RDC où la volonté politique semble absente.
- Des Services Consulaires Défaillants et Coûteux : Quand l’Administration Devient un Fardeau
Obtenir des documents officiels, renouveler un passeport, ou simplement obtenir des informations fiables relève souvent du parcours du combattant pour la diaspora. Les services consulaires sont fréquemment critiqués pour leur lenteur, leur manque de transparence et les coûts exorbitants imposés pour diverses légalisations ou attestations. Plutôt que d’être des facilitateurs, les ambassades et consulats se transforment parfois en sources de frustration et de dépenses supplémentaires, renforçant le sentiment d’abandon et de mépris.
Ailleurs en Afrique: De nombreuses nations africaines, conscientes du rôle crucial de leur diaspora, investissent dans la modernisation et l’efficacité de leurs services consulaires. L’efficacité des services consulaires est reconnue comme un facteur clé pour augmenter les investissements et les flux de connaissances de la diaspora vers leur pays d’origine, un concept que la RDC semble peiner à saisir.
- Les Terres et Propriétés : Des Investissements à Risque Sans Protection
Nombreux sont les membres de la diaspora qui rêvent d’investir au pays, d’acheter des terres ou de construire des maisons. Mais la réalité est souvent amère : insécurité foncière, corruption rampante, absence de protection juridique réelle. Des fortunes sont perdues, des projets s’écroulent, sans que l’État ne mette en place de mécanismes fiables pour protéger ces investissements pourtant cruciaux pour le développement local. La confiance s’érode, et avec elle, la volonté d’investir.
Ailleurs en Afrique: Le Maroc, par exemple, offre des protections légales claires et des incitations fiscales (comme des exonérations de TVA ou de la taxe sur les plus-values sous certaines conditions) pour l’investissement immobilier de sa diaspora. L’Éthiopie propose des cadres légaux spécifiques et des avantages pour les investisseurs de la diaspora, incluant des droits de propriété ou des baux à long terme qui garantissent la sécurité des investissements. Ces pays comprennent que la protection des actifs est fondamentale pour attirer le capital de leur diaspora.
- Le Manque de Programmes Incitatifs et une Représentation Inexistante : Zéro Retour sur Investissement Humain
Contrairement à d’autres pays qui chérissent leur diaspora en créant des programmes spécifiques pour attirer les compétences, les investissements et les retours d’expériences, la RDC brille par son absence. Il y a peu ou pas d’incitations fiscales, de guichets uniques pour les investisseurs, ni de plateformes pour valoriser le savoir-faire acquis à l’étranger. De plus, malgré leur poids économique et leur mobilisation active, la diaspora congolaise n’a aucune représentation institutionnelle significative. Leurs préoccupations et leurs propositions sont rarement prises en compte, montrant à quel point l’État les considère comme une source de devises, mais pas comme des citoyens à part entière.
Ailleurs en Afrique: Le Nigeria a créé une Commission des Nigérians de la Diaspora (NiDCOM), un organe dédié à l’engagement et à la coordination des efforts de la diaspora. Le Malawi a une « Malawi Diaspora Engagement Policy » et son Ministère des Affaires Étrangères gère activement les relations avec sa diaspora. Ces structures sont conçues pour écouter, impliquer et valoriser cette communauté, là où la RDC reste silencieuse.
Bref, une Relation à Sens Unique Dévastatrice
Le message est clair et amer pour la diaspora congolaise : votre argent est bienvenu, mais votre avis, votre participation et vos droits sont secondaires. Cette relation à sens unique, où les sacrifices d’une communauté sont exploités sans contrepartie, est non seulement injuste, mais aussi auto-destructrice pour la RDC. Ignorer un tel potentiel humain et financier est une faute grave qui entrave le développement et la stabilité du pays. Jusqu’à quand Kinshasa pourra-t-elle se permettre de se moquer impunément de celle qui est l’un de ses plus grands atouts ?