Kinshasa, RDC –Son ascension a été rapide, son style tranchant, son ambition assumée. Mais l’ex-ministre congolais de la Justice, Constant Mutamba, incarne une série de faux pas qui ont précipité sa chute spectaculaire. Coincé chez lui sous surveillance après une tentative de fuite ratée vers l’ambassade de Cuba, il illustre parfaitement comment certaines erreurs peuvent transformer un ministre en fugitif raté en quelques heures. Pour durer en politique en RDC, voici les erreurs qu’il aurait mieux fait d’éviter.
Erreur N°1 : Croire que la Popularité Numérique Remplace l’Ancrage Politique
Ce qu’il a fait : Mutamba a massivement investi X (ex-Twitter), où ses punchlines et selfies ministériels cartonnaient. Pourtant, dans plusieurs provinces, personne ne peut identifier une structure de terrain ou un vrai électorat organique qui lui est fidèle.
Pourquoi c’était fatal: En 2006, il fondait déjà l’Association de Lutte contre la Tricherie (ALT) à Kisangani, privilégiant l’image au détriment de l’enracinement. Sa base est restée numérique, pas politique. Quand la tempête judiciaire s’est abattue, aucun baron local n’est venu à son secours.
La leçon : Les likes ne votent pas aux assemblées provinciales. Construisez d’abord votre base territoriale avant votre image digitale.
Erreur N°2 : Changer de Camp Sans Construire de Récit Cohérent
Ce qu’il a fait: En novembre 2021, il quitte la famille politique kabiliste pour créer la DYPRO. Fervent opposant au régime Tshisekedi qu’il traitait de « pouvoir illégal », il devient en 2024 l’un des ministres les plus zélés de ce même gouvernement.
Pourquoi c’était fatal: Des vidéos où il traitait Tshisekedi de « président usurpateur » et d' »incompétent » circulent toujours. Le contraste avec son zèle gouvernemental actuel crée une dissonance brutale qui alimente la défiance. Un virage perçu comme opportuniste, voire cynique.
La leçon: Expliquez toujours vos revirements. L’opinion publique pardonne l’évolution, pas l’opportunisme brut.
Erreur N°3 : Se Présenter Trop Jeune Sans Préparation Suffisante
Ce qu’il a fait: À 35 ans en 2023, il se lance dans la course présidentielle comme « le plus jeune candidat », s’autoproclamant « candidat unique de l’opposition » et promettant « l’annexion du Rwanda comme 27ème province ».
Pourquoi c’était fatal: Il a gaspillé son « crédit présidentiel » sans avoir les moyens de ses ambitions. Les promesses impossibles (annexer le Rwanda !) l’ont discrédité auprès des élites tout en créant des attentes démesurées chez ses rares partisans.
La leçon : Attendez d’avoir les moyens de vos ambitions. On n’a droit qu’à une ou deux tentatives présidentielles crédibles.
Erreur N°4 : Confondre Fermeté et Agressivité Politique
Ce qu’il a fait: Lors de ses premières interventions comme ministre en mai 2024, il a publiquement menacé des magistrats et journalistes qu’il jugeait « antirépublicains », multipliant les slogans à effet comme « je vais nettoyer la justice avec une machette ».
Pourquoi c’était fatal : Une posture musclée qui a immédiatement fait froncer les sourcils jusque dans les chancelleries. En mai 2025, il est convoqué par la Cour de cassation suite à ses menaces contre des journalistes de Congo Check et Actualité.cd.
La leçon : La fermeté s’exprime par les actes, pas par les menaces. L’agressivité verbale vous transforme en cible.
Erreur N°5 : Utiliser la Justice Comme Arme au Lieu de la Réformer
Ce qu’il a fait: Il a multiplié les interférences dans des affaires judiciaires politisées, comme la détention controversée de journalistes ou le zèle dans les dossiers d’opposants comme Mike Mukebayi. Il est soupçonné d’interférer dans des nominations de magistrats selon les intérêts du pouvoir.
Pourquoi c’était fatal: Les grandes réformes attendues (désengorgement, transparence, numérisation) sont restées lettre morte. Certains juges dénoncent des pressions directes. Il est devenu le premier ministre de la Justice en exercice à être inquiété pour atteinte présumée à la liberté d’expression.
La leçon: Réformez les institutions, ne les instrumentalisez pas. L’histoire retient les bâtisseurs, pas les manipulateurs.
Erreur N°6 : S’Attaquer aux Journalistes Dans un Contexte de Regain Autoritaire
Ce qu’il a fait: Il accuse des journalistes de « déstabiliser les institutions », une rhétorique dangereuse qui a suscité l’indignation des ONG et sa convocation judiciaire.
Pourquoi c’était fatal: S’attaquer à la presse dans un contexte où la communauté internationale surveille étroitement les libertés en RDC, c’est se mettre à dos tous les partenaires extérieurs. Sa réputation internationale s’est effondrée.
La leçon: La presse est un adversaire qu’on ne peut jamais vraiment vaincre. Mieux vaut l’apprivoiser que la combattre.
Erreur N°7 : Croire que le Populisme Suffit à Gouverner
Ce qu’il a fait: Style plus populiste que technocratique, souvent creux, sans programme clair ni consultation des acteurs du secteur. Son « parti » politique (NOGEC) reste une coquille vide.
Pourquoi c’était fatal: Aucun relais parlementaire, aucun cadre formé, aucun programme structuré. Quand l’étau judiciaire s’est resserré, il n’avait aucune structure pour le défendre. Il est tombé de haut, seul.
La leçon: Le populisme peut vous amener au pouvoir, seule la compétence vous y maintient.
Erreur N°8 : Négliger sa Sécurité Juridique Personnelle
Ce qu’il a fait: Il devient ministre de la Justice tout en ayant des vulnérabilités juridiques (l’affaire des 19 millions de dollars de détournement présumé dans un contrat de construction de prison).
Pourquoi c’était fatal: Le procureur près la Cour de cassation a demandé à l’Assemblée nationale la levée de ses immunités. L’Assemblée a fini par lâcher Mutamba, autorisant les poursuites. Une interdiction formelle de quitter Kinshasa a suivi.
La leçon : Nettoyez vos arrières juridiques avant d’accepter des postes exposés. Vos ennemis découvriront toujours ce que vous avez oublié.
Erreur N°9 : S’Exposer Trop Tôt Sans Équipe ni Stratégie de Repli
Ce qu’il a fait: Omniprésent dans les médias, mais sans véritable équipe politique structurée ni plan B en cas de difficultés.
Pourquoi c’était fatal: Quand la crise a éclaté, il s’est retrouvé isolé politiquement. Aucun soutien parlementaire solide, aucune structure pour organiser sa défense. L’étau s’est resserré sans qu’il puisse réagir efficacement.
La leçon: Avant de briller sous les projecteurs, construisez votre dispositif de sécurité dans l’ombre.
Erreur N°10 : Tenter de Fuir Puis se Retrouver Piégé
Ce qu’il a fait : Face aux accusations, il démissionne précipitamment le 17 juin 2025. Dans la panique, il tente un « passage éclair » à l’ambassade de Cuba après s’être rendu à la cité de l’Union Africaine, mais finit par rentrer à son domicile, cerné par les agents des services de sécurité. Le président Tshisekedi lui aurait formellement interdit de se soustraire à la justice.
Pourquoi c’est l’erreur fatale : Cette tentative de fuite ratée révèle sa panique totale. L’ambassade cubaine a officiellement démenti sa présence par la voix de son secrétaire Pierre Nduli : « Le ministre d’État Constant Mutamba n’est pas à l’ambassade de Cuba. C’est une fausse information. » Résultat : il passe du statut de ministre à celui de fugitif raté, coincé chez lui sous surveillance.
La leçon : Une tentative de fuite ratée est pire qu’un combat perdu. Cela révèle votre culpabilité tout en montrant votre impuissance.
Le Manuel de Survie Politique Congolaise
L’histoire de Constant Mutamba révèle les règles non-écrites de la longévité politique en RDC :
Les 5 Commandements de la Survie Politique Congolaise :
- Enracinez-vous territorialement avant de briller médiatiquement
- Sécurisez votre passé juridique avant de briguer des postes exposés
- Construisez des alliances durables plutôt que des coups d’éclat
- Réformez de l’intérieur au lieu de détruire de l’extérieur
- Résistez dignement plutôt que de fuir honteusement
Bref, un cas d’école… ou une leçon pour Demain ?
Constant Mutamba incarne la tension entre ambition personnelle et exigences institutionnelles. Sa tentative de fuite ratée vers l’ambassade de Cuba, suivie de son assignation à résidence de facto, illustre parfaitement comment une trajectoire politique prometteuse peut virer au naufrage spectaculaire en quelques heures.
De l’étudiant « anti-tricherie » de Kisangani au ministre coincé chez lui sous surveillance, son parcours dessine l’archétype du populiste moderne : brillant en surface, fragile en profondeur, et totalement imprévisible dans la crise. Il a confondu vitesse et vision, communication et action, fermeté et agressivité.
La morale congolaise : La politique de ce pays est cruelle avec ceux qui pensent que faire du bruit suffit à durer. Elle récompense la patience, la prudence et la construction méthodique. Mutamba a voulu brûler les étapes – il s’est brûlé les ailes.
Son histoire restera comme un avertissement : en RDC, les révolutionnaires pressés finissent coincés chez eux sous surveillance. Mutamba a voulu brûler les étapes – il s’est brûlé les ailes. Sa tentative de fuite ratée vers l’ambassade cubaine, officiellement démentie par la diplomatie cubaine, illustre parfaitement l’improvisation qui a caractérisé toute sa trajectoire politique.
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