L’Est de la République Démocratique du Congo est aujourd’hui un véritable poudrière, abritant 266 groupes armés (dont 252 locaux et 14 étrangers), selon le recensement officiel du Programme de Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation (P-DDRCS).
Dans ce contexte explosif, où chaque organisation armée revendique des spécificités particulières, une question cruciale se pose avec une acuité particulière : le M23, malgré sa médiatisation et les pressions exercées, peut-il réellement prétendre à un traitement différentiel dans le processus de démobilisation national ?
Dans ce papier, nous allons essayer d’apporter une analyse technique démontrant pourquoi le cadre juridique national et international impose un traitement strictement égalitaire à tous les groupes armés non-étatiques, y compris le M23, dans le processus DDR congolais. Basée sur les textes officiels du P-DDRCS, les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et la jurisprudence établie, elle met en lumière l’impossibilité légale et technique d’accorder un statut particulier à quelque groupe armé que ce soit, garantissant ainsi l’équité d’un processus de paix durable.
Le Défi de la Démobilisation Universelle dans l’Est de la RDC
L’Est de la RDC est un kaléidoscope de conflits, où la prolifération des groupes armés est un défi majeur à la stabilité. Chaque entité, forte de ses revendications ou de son histoire, pourrait être tentée de négocier un statut privilégié. Cependant, le cadre légal et opérationnel congolais et international est formel : l’égalité de traitement est le fondement de toute démobilisation crédible.
1. Le Cadre Juridique Impose l’Égalité : Des Fondements Inébranlables
La prétention du M23 à un traitement spécial se heurte à des principes juridiques inaliénables.
1.1. La Constitution de la RDC : Aucune Exception pour les Groupes Armés La Constitution de la République Démocratique du Congo de 2006 est sans équivoque. Son article 187 stipule que « les Forces armées de la République démocratique du Congo sont constituées de l’Armée nationale congolaise et de la Police nationale congolaise ». Aucun texte constitutionnel ne reconnaît de statut particulier aux groupes armés non-étatiques. En conséquence, le P-DDRCS applique des critères d’éligibilité uniformes, non cumulatifs mais complémentaires, incluant le « Respect du Ratio « Homme / Arme » » et la « Certification d’appartenance aux GA par les représentants de la communauté », sans la moindre distinction hiérarchique entre les groupes.
1.2. Les Résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU : Le M23, un Groupe Armé comme les Autres La communauté internationale, par la voix du Conseil de sécurité des Nations Unies, a clairement positionné le M23 dans la catégorie générale des groupes armés illégaux. La résolution 2765 (2024) exige « la cessation des hostilités » et « appelle au retrait immédiat du M23 et de ses alliés ». De même, la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité de mars 2023 condamne « fermement l’augmentation des attaques perpétrées par le Mouvement du 23 mars (M23) ». Ces textes, juridiquement contraignants, ne confèrent aucun statut spécial au M23, le soumettant aux mêmes obligations de cessation d’hostilités et de désarmement que l’ensemble des autres groupes armés.
1.3. Les Obligations Internationales de l’État Congolais : Pas de Traitement de Faveur Possible L’État congolais est lié par des engagements internationaux clairs en matière de justice et de désarmement. Le Conseil de sécurité a reconduit « le régime de sanctions contre la RDC jusqu’au 1er juillet 2025″ et a confié à la MONUSCO la tâche d' »appuyer l’action menée aux niveaux national et international pour que les auteurs soient traduits en justice ». Ces obligations s’appliquent uniformément à tous les groupes armés, M23 inclus, rendant impossible tout traitement de faveur qui contournerait les exigences de reddition de comptes.
2. Les Procédures Techniques Garantissent l’Uniformité : Une Opérationnelle Inflexible
Au-delà du cadre juridique, les protocoles techniques du P-DDRCS sont conçus pour une application universelle.
2.1. Le Processus de Vérification Standardisé : Le Vetting Universel Le protocole du P-DDRCS est précis : « tous les combattants désarmés seront soumis à un screening visant à établir leur statut en rapport avec les crimes dénoncés ». Cette procédure de « vetting » s’applique automatiquement et rigoureusement à l’ensemble des individus issus de n’importe quel groupe armé. L’exemple concret des « 4 Congolais du M23 capturés par les FARDC à Sake au Nord Kivu » et rendus « au P-DDRCS par le Gouverneur militaire » en janvier 2025 en est une preuve tangible : la procédure standard a été appliquée sans dérogation.
2.2. La Supervision Présidentielle et les Étapes Uniformes du P-DDRCS La légitimité et l’impartialité du processus sont garanties par son parrainage au plus haut niveau de l’État. Le Président de la République a lui-même présidé la première réunion du Comité de Pilotage du Programme P-DDRCS. Cette supervision présidentielle impose les mêmes étapes rigoureuses à tous les combattants désarmés : « L’enregistrement manuel », « L’identification manuelle », « L’identification biométrique » et la « Délivrance de la carte de démobilisation ». Aucune de ces étapes n’est modifiable pour un groupe en particulier.
2.3. La Jurisprudence Établie : Des Précédents qui Font Loi Le P-DDRCS ne part pas de zéro ; il s’appuie sur une expérience opérationnelle éprouvée avec d’autres groupes armés. Des succès concrets ont déjà été enregistrés, comme la reddition de « 38 ex-combattants du groupe armé APA NA PALE et leurs dépendants » ou la démobilisation de « 703 ex-combattants d’auto-défense Zaïre » qui ont reçu leur carte de démobilisation. Cette jurisprudence établit un cadre opérationnel testé et validé que le M23 devra suivre intégralement, conformément au principe d’égalité devant la loi et devant les procédures techniques.
3. La Stratégie Nationale et le Consensus International : Une Vision Unifiée
La solidité du processus DDR en RDC est renforcée par un large consensus.
- 3.1. Une Stratégie Nationale Validée : L’Adoption de Standards Universels Le Coordonnateur national du P-DDRCS a soumis « aux partenaires nationaux et internationaux le draft de la stratégie nationale » pour validation, démontrant une approche consultative et multilatérale. Le P-DDRCS, créé en août 2021, remplace les deux précédents programmes (UEPN-DDR et Starec), marquant une évolution vers une approche plus intégrée et conforme aux standards internationaux de désarmement, démobilisation et réintégration. Cette refonte assure l’application uniforme de ces standards à l’ensemble des 266 groupes armés recensés, sans aucune forme de discrimination.
L’Impossible Échappatoire Juridique et Technique du M23
L’analyse des textes nationaux et internationaux, combinée aux protocoles techniques et à la jurisprudence établie, démontre l’impossibilité catégorique pour le M23 d’échapper au processus DDR standard appliqué aux 266 groupes armés de l’Est de la RDC. La Constitution congolaise, les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, les procédures du P-DDRCS et les précédents opérationnels convergent vers un traitement strictement égalitaire.
Cette approche uniformisée, loin d’être une contrainte, constitue la garantie même d’un processus de paix équitable, transparent et durable. Elle empêche la création de précédents dangereux qui pourraient être invoqués par d’autres groupes armés pour revendiquer des traitements de faveur, sapant ainsi toute l’architecture de paix. L’État congolais, fort de ce cadre juridique solide et du soutien de la communauté internationale, dispose de tous les outils nécessaires pour imposer la démobilisation universelle sur son territoire.
Le M23, comme les 265 autres groupes armés recensés, devra donc se conformer aux procédures standardisées du P-DDRCS : désarmement volontaire, vérification d’éligibilité, enregistrement biométrique et réintégration selon les filières définies par le programme national. Aucune négociation parallèle, aucun statut spécial ne peut être accordé sans remettre en cause fondamentalement la primauté de la loi et la légitimité du processus de paix en RDC.