KINSHASA – juin 2025 — La République démocratique du Congo (RDC), avec ses 105 millions d’habitants et ses ressources naturelles inestimables, reste l’un des pays les plus pauvres au monde. Selon la Banque mondiale, près de 62 % de la population congolaise vit avec moins de 2,15 dollars par jour. À titre de comparaison, le Vietnam, qui avait un taux de pauvreté similaire dans les années 1990, est parvenu à le réduire à moins de 6 % en misant sur l’industrialisation, l’éducation de masse et des infrastructures ciblées.
Une richesse minérale qui ne profite pas aux Congolais
La RDC dispose de réserves colossales en cuivre, cobalt, or, diamants, lithium. Pourtant, le pays occupe la 179e place sur 191 dans le classement IDH 2023. Le paradoxe est flagrant : en 2022, les exportations minières ont généré plus de 20 milliards de dollars. À titre de comparaison, le Botswana, également riche en ressources minières, a utilisé ses revenus pour investir dans la santé et l’éducation, ce qui a permis à son IDH de passer à 0,693 en 2021. La RDC, quant à elle, voit peu de ses recettes minières réinvesties localement.
Une population jeune, mais sans perspectives
Avec une médiane d’âge de 16 ans, la RDC est l’un des pays les plus jeunes du monde. Chaque année, plus de 2 millions de jeunes arrivent sur le marché du travail, mais plus de 80 % d’entre eux évoluent dans l’informel, selon l’INS. À l’opposé, l’Éthiopie, confrontée à une explosion démographique similaire, a investi massivement dans les TPE agricoles et manufacturières pour absorber cette jeunesse, réduisant ainsi le chômage de façon significative. Le pays a su transformer cette pression démographique en atout économique.
Services publics défaillants, dépenses sociales faibles
Le budget national 2024 s’élève à environ 16 milliards USD, soit moins de 150 USD par habitant. À titre de comparaison, le Rwanda consacre plus de 200 USD par habitant à ses dépenses publiques, avec une transparence budgétaire notée A par l’IBP. En RDC, les dépenses de santé représentent moins de 3 % du PIB, contre plus de 5 % au Ghana, qui a pourtant un PIB par habitant inférieur à celui de Kinshasa. Moins de 20 % des Congolais ont accès à l’électricité, contre 75 % en Afrique du Sud. À peine 52 % ont accès à l’eau potable (UNICEF), contre 85 % en Zambie.
Un modèle économique figé et extractif
Plus de 90 % des recettes d’exportation de la RDC proviennent des minerais. Cette dépendance extrême rappelle celle du Nigeria avec le pétrole dans les années 1980, avant sa diversification vers les télécoms et l’agro-industrie. Aujourd’hui, le Nigeria tire plus de 50 % de sa croissance hors secteur pétrolier. En RDC, aucune stratégie claire ne semble orienter la transition vers une économie plus productive, industrielle et inclusive. L’agriculture, qui occupe pourtant 70 % de la population, ne représente qu’environ 20 % du PIB, faute de mécanisation, de routes rurales et d’incitations fiscales.
L’impôt, un outil ignoré de redistribution
Le taux de pression fiscale en RDC reste inférieur à 10 %, quand la moyenne en Afrique subsaharienne atteint 15 %. Les pays comme le Sénégal ou le Kenya ont élargi leur base fiscale en taxant efficacement l’informel, les revenus fonciers et les grandes entreprises. En RDC, la parafiscalité anarchique tue l’initiative économique tandis que les grandes multinationales minières bénéficient d’exonérations opaques. Par ailleurs, selon Global Financial Integrity, la RDC perd chaque année plus de 1,5 milliard USD en flux financiers illicites, soit l’équivalent du budget combiné de l’éducation et de la santé.
Une pauvreté multidimensionnelle étouffante
Au-delà du revenu, plus de 70 % des Congolais vivent dans une pauvreté multidimensionnelle selon le PNUD, cumulant privations en santé, éducation, logement et emploi. Le taux d’alphabétisation plafonne à 77 %, contre 94 % au Zimbabwe ou 95 % au Malawi, deux pays au contexte politique pourtant instable. Les inégalités hommes-femmes persistent fortement, avec un taux d’alphabétisation féminin inférieur de 10 points à celui des hommes.
Un appel à une refondation stratégique
Pour sortir de cette pauvreté structurelle, la RDC doit amorcer une réforme radicale : industrialisation ciblée (à l’image du Maroc dans l’automobile), révolution éducative (comme au Bangladesh avec l’alphabétisation féminine), investissement massif dans les infrastructures rurales (à l’instar de la Côte d’Ivoire post-crise), et transparence dans la gestion publique (à l’image du Chili dans les années 2000).
Le pays doit également créer un baromètre indépendant de la pauvreté, et mobiliser sa diaspora et sa société civile dans un cadre de gouvernance collaborative. À défaut, le pays continuera d’alimenter les rapports alarmants, tout en offrant au monde entier ses minerais stratégiques, sans jamais en tirer profit pour sa propre population.