Kinshasa, RDC – Alors que les combats s’intensifient dans l’Est du pays, la République démocratique du Congo (RDC) multiplie les initiatives diplomatiques dans une cacophonie de plateformes régionales et internationales. De Nairobi à Luanda, en passant par Doha, Washington et plus récemment Addis-Abeba, les discussions tentent, tant bien que mal, de mettre fin à plus de deux décennies de conflit. Mais entre rivalités régionales, méfiance populaire et absence de vision commune, le processus semble pris dans une impasse.
Une multitude d’acteurs, une légitimité fragmentée
Le paysage des négociations est saturé d’acteurs aux intérêts parfois antagonistes : le gouvernement congolais, les groupes armés opérant dans l’Est, les pays voisins (notamment le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi), les organisations régionales (la Communauté d’Afrique de l’Est – EAC, la CIRGL, la SADC), et les puissances internationales (États-Unis, Union européenne, ONU via la MONUSCO). L’Union africaine, pour sa part, a multiplié les envoyés spéciaux, mais sans parvenir à imposer une architecture cohérente ni une médiation crédible.
« On assiste à une diplomatie en mille-feuilles, sans pilote ni boussole », résume un analyste du Groupe d’étude sur le Congo (GEC).
Dans ce contexte, la défiance populaire est palpable. Les populations affectées dénoncent des processus opaques où les intérêts géostratégiques ou économiques priment sur les souffrances vécues.
Des plateformes multiples, sans convergence
Nairobi
Lancée par l’EAC, l’initiative de Nairobi visait à instaurer un dialogue direct entre Kinshasa et les groupes armés dits « non terroristes ». Mais sa portée a été minée par l’exclusion systématique du M23, acteur majeur de la crise actuelle. Depuis 2024, la plateforme est à l’arrêt, faute de résultats tangibles.
Luanda
La médiation angolaise, dirigée par le président João Lourenço, s’est concentrée sur la désescalade entre Kigali et Kinshasa. Plusieurs engagements ont été pris depuis 2022, mais restent largement inappliqués sur le terrain. Les accusations récurrentes d’un soutien militaire du Rwanda au M23 ravivent les tensions.
Washington
En avril 2025, un accord de principe a été signé sous l’égide des États-Unis. Les ministres Thérèse Wagner (RDC) et Olivier Nduhungirehe (Rwanda) se sont engagés sur six axes, dont le respect de la souveraineté, le retour des réfugiés et un appui conjoint à la MONUSCO. Mais malgré cette déclaration solennelle, les combats n’ont jamais cessé, notamment dans le Nord-Kivu.
Doha et les canaux discrets
Le Qatar accueille régulièrement des pourparlers informels, soutenus par l’ONU et des ONG. Ces rencontres discrètes visent à créer un canal de discussion alternatif, hors caméras et loin des discours officiels.
Addis-Abeba
En juin 2025, l’Union africaine a tenté un nouveau round de concertation élargie avec les pays de la sous-région. Mais l’absence du M23 et les divisions internes entre États membres ont vidé la réunion de toute portée opérationnelle.
Une paix hypothétique, des enjeux colossaux
Derrière les négociations, se cache un enchevêtrement de conflits liés à la terre, aux ressources minières, aux identités communautaires et à l’exclusion politique chronique. Plus de 7 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, selon l’OCHA, et des milliers d’autres ont fui vers l’Ouganda, le Rwanda ou le Burundi.
« Tant que les victimes, les femmes, les jeunes et les déplacés ne sont pas écoutés, il ne peut y avoir de paix durable », alerte Marie-Bernadette Kalume, sociologue à l’Université de Bukavu.
Un terrain miné : faits accomplis et fragmentation armée
Pendant que les diplomates négocient, le M23 consolide ses positions autour de Rutshuru, Bunagana, Kiwanja et Kibumba ainsi qu’au Sud-Kivu. Les FARDC, affaiblies par des tensions internes et un manque d’équipement, peinent à reprendre l’initiative. Des groupes d’autodéfense tels que les Wazalendo se sont multipliés, avec l’aval tacite de Kinshasa. Mais loin de rétablir l’ordre, cette dynamique alimente l’atomisation du paysage sécuritaire.
Le retrait accéléré de la MONUSCO, amorcé fin 2023, a laissé un vide critique. Si Kinshasa s’en félicite, dénonçant une mission « inefficace », la société civile redoute une montée des violences incontrôlées.
Et maintenant ?
Le cadre de Washington reste, pour l’instant, la seule base diplomatique encore active. Des discussions sur un accord de paix bilatéral formel entre Kigali et Kinshasa sont en préparation, mais leur contenu reste flou et leur impact incertain.
Des rumeurs persistantes évoquent l’implication indirecte de l’ancien président Joseph Kabila dans certaines dynamiques rebelles, notamment via des figures proches de l’ex-majorité présidentielle. Aucun élément formel n’a cependant été avancé à ce stade.
Sur le terrain, les Congolais attendent des actions concrètes : désarmement, justice pour les victimes, réintégration des ex-combattants, et surtout, un véritable dialogue national inclusif, au-delà des clivages partisans.
Bref, une diplomatie de surface, guerre en profondeur
Tant que les négociations seront menées sans coordination, sans transparence et sans ancrage local, elles resteront vaines. La paix ne se décrète pas à huis clos ; elle se construit en intégrant ceux qui, jusqu’ici, en ont été exclus.
En RDC, c’est encore le langage des armes qui dicte l’agenda. Et ce, au détriment des millions de vies suspendues.
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