Elle prêche la paix, la résignation et la docilité, tout en verrouillant la pensée, les ambitions et la foi rebelle. La CENCO — grande église respectée, mais puissance occulte — use de cinq stratégies discrètes qui sabotent l’émancipation du peuple congolais. Voici comment elle entretient la dépendance de masse au nom du divin.
Longtemps perçue comme une institution d’esprit critique, la CENCO s’est transformée en acteur politique central. Rempart face aux dictatures et aux guerres, elle est aussi devenue sentinelle d’un ordre social conservateur, floutant les frontières entre sacré et pouvoir. Dans un pays en quête d’alternatives, son influence est devenue double tranchant.
1. Sermons Bibliques, Obéissance Forcée : le gospel du silence
La rhétorique morale se nourrit d’allusions bibliques puissantes : tout comme les Béatitudes enseignent “heureux les faibles de cœur”, la CENCO loue la patience dans l’oppression. Résultat : un sermon quotidien contre la révolte, une mise en posture d’humilité, de renoncement. Subtil sablier du pouvoir, elle enseigne la servitude avec des versets, détournant la libération spirituelle vers l’acceptation politique.
2. La parole morale comme outil politique et diplomatique : métronome ambigu dans la crise à l’Est
Officiellement « apolitique », la CENCO s’impose pourtant comme acteur central à chaque cycle électoral et crise nationale. Elle se présente comme gardienne de la paix, garante de la cohésion, modératrice neutre. Mais derrière cette façade rassurante se cache un rôle bien plus actif — et bien plus ambigu.
Dans le dossier explosif de la guerre à l’Est, la Conférence épiscopale a souvent endossé le rôle de facilitateur discret entre Kinshasa et des groupes armés, parfois jusqu’à servir de conseiller officieux du gouvernement lors de négociations sensibles. Cette fonction de « parrain moral » lui donne une légitimité incontestée… tout en lui conférant un pouvoir sans transparence.
Mais cette posture de médiateur cache aussi un mutisme stratégique : lors des offensives du M23, des massacres à Beni ou des déplacements de populations orchestrés, la CENCO s’est contentée de dénonciations générales. Pas un mot sur les connivences internes au pouvoir, pas une ligne sur le rôle du Rwanda, ni sur les milices hybrides tolérées par l’armée régulière. Un silence d’autant plus assourdissant qu’il s’accompagne d’un appel permanent à la paix, à la patience, au dialogue — sans jamais désigner les vrais responsables.
Sur la scène internationale, dans les forums comme la CPA, l’Union Africaine ou les conférences ECCAS, la CENCO se positionne en interlocuteur civil non partisan. Mais là encore, elle évite soigneusement d’évoquer l’enjeu géoéconomique : les intérêts congolais bradés, les complicités militaires dans l’exploitation des ressources, ou le rôle trouble de certains partenaires religieux et diplomatiques étrangers.
En refusant d’assumer une parole tranchée, en entretenant l’ambiguïté, la CENCO se maintient au centre du jeu — sans jamais en bouleverser les règles. Sa neutralité, aussi pieuse soit-elle, a un coût : celui du statu quo.
3. Contrôle territorial renforcé : éducation, santé, renseignements et financement occultes
Avec plus de 40 000 écoles, une centaine d’hôpitaux et un embryon de réseau de renseignement local, la CENCO fonctionne comme un État parallèle. Elle gère budgets, partenariats — souvent opaques — avec des ONG internationales, entreprises privées et bailleurs étrangers, sans obligation envers l’État congolais. Ce double système de financement lui assure une autonomie structurelle et politique : l’ombre silencieuse qui comble les vides institutionnels… à sa manière et selon son agenda.
4. Criminalisation des idées progressistes : conditionner la pensée
Les sujets sensibles tels que la contraception, la laïcité ou l’engagement politique des jeunes sont régulièrement discrédités. Par exemple :
- La diffusion de projets sur la planification familiale est systématiquement décriée comme « contraire à la loi divine », interdisant toute éducation reproductive.
- Les programmes de citoyenneté civique, portés par la diaspora, se heurtent aux homélies “anti-séculières”.
Au nom de la pureté religieuse, la CENCO fixe les limites de la pensée politique, étouffant toute émancipation intellectuelle et alternative sociale.
5. L’hégémonie invisible des “pères de conscience”
Les évêques sont devenus des arbitres moraux incontournables, là où l’État est discrédité. Ils renvoient la population vers des discours de « changement intérieur », résistants aux révolutions structurelles. Convertir, oui — mais pas à l’émancipation collective. La CENCO exige le consensus, pas la contestation. Elle est bien la gardienne d’un ordre convenable, un redoutable conservatisme déguisé en morale chrétienne.
Bref, une Église toute-puissante, qui refuse de rompre
La CENCO a façonné un peuple sage, mais obéissant ; dévoué, mais anesthésié. Servir le divin ? Peut-être. Permettre les chocs citoyens ? Jamais. Tant qu’elle refusera d’assumer son poids — et d’accueillir les fissures du système — elle restera un pilier du statu quo, un frein chrétien à la modernité congolaise. Et tant que les fidèles accepteront cette sainte neutralité, le réveil citoyen restera confiné aux marges… loin, bien loin des autels de la conscience.