À travers le monde, de nombreux États ont coupé, censuré ou suspendu l’accès à l’information — parfois temporairement, parfois durablement — pour tenter de garder la main face à des tensions politiques, sociales ou militaires. Voici sept cas emblématiques qui éclairent les pratiques d’embargo médiatique.
Quand la stabilité sociale gérée par un régime démocratiquement élu (ou non) vacille, le contrôle de l’information devient souvent une priorité absolue. C’est une tactique aussi ancienne que redoutable : empêcher les récits des oppositions armées (ou non) de circuler, couper l’élan des contestations, ou créer un vide informationnel pour reprendre la main. Dans l’histoire récente, plusieurs États — autoritaires comme démocratiques — ont imposé un embargo médiatique, en ligne comme hors ligne, lorsqu’ils se sentaient menacés.
Alors que la RDC est en guerre à l’est et fait face à d’autres tensions politiques rampantes, et que certains analystes évoquent un verrouillage médiatique pour freiner un possible retour de Joseph Kabila dans l’arène en se servant de la crise armée qu’il aurait alimentée depuis ses 18 années à la tête de la nation, il est utile de regarder ailleurs : qui d’autre a utilisé cette arme silencieuse ? Et dans quel contexte ?
- Égypte (2011) – Internet coupé pour contenir la révolution
En plein printemps arabe, les autorités égyptiennes bloquent Internet dans tout le pays pendant 5 jours. L’objectif : empêcher les manifestants de s’organiser. L’effet inverse se produit : le monde découvre la brutalité du régime, et Moubarak chute peu après.
- Iran (2019) – Un blackout pour réprimer en silence
Lors des manifestations contre la hausse du prix du carburant, Téhéran coupe totalement l’accès à Internet pendant plusieurs jours. Bilan : des centaines de morts, peu d’images, peu de preuves. L’ONU parle de “répression à huis clos”.
- Turquie (2016) – Contrôle total après le coup d’État manqué
À la suite de la tentative de putsch, le gouvernement Erdogan impose un contrôle strict : arrestation de journalistes, fermeture de médias indépendants, censure des réseaux sociaux. Une purge médiatique destinée à museler toute opposition.
- Russie (2022) – Embargo croisé en pleine guerre en Ukraine
Dès les premières semaines de la guerre en Ukraine, le Kremlin bannit les médias étrangers comme la BBC ou Deutsche Welle, restreint l’accès à Facebook, Twitter et Instagram, et impose une loi interdisant toute « désinformation » sur l’armée russe. De leur côté, l’Union européenne et plusieurs pays occidentaux interdisent la diffusion de Russia Today (RT) et Sputnik, accusés de propagande de guerre pro-Kremlin.
- Cameroun (2017) – Coupure régionale dans la crise anglophone
Internet est coupé pendant plus de 90 jours dans les régions anglophones, où les tensions séparatistes sont fortes. Le gouvernement tente ainsi de bloquer la mobilisation et la diffusion d’images de répression.
- États-Unis (2021) – Suspension de Trump après l’assaut du Capitole
Le 6 janvier 2021, après l’attaque du Capitole, les grandes plateformes suspendent les comptes de Donald Trump. Twitter, Facebook, YouTube coupent le mégaphone de l’ex-président, accusé d’avoir incité à la violence. Un précédent dans une démocratie : la censure d’un chef d’État en exercice.
- France (2023) – Débat sur un embargo numérique en cas d’émeutes
Lors des violences urbaines après la mort de Nahel, le gouvernement envisage publiquement de suspendre TikTok, Snapchat ou Instagram, accusés de faciliter l’organisation des violences. Finalement, la mesure n’est pas appliquée, mais le débat relance la question des libertés numériques en période de crise.
Qu’ils soient africains, asiatiques ou occidentaux, les États qui s’estiment menacés ont recours aux mêmes armes : couper, censurer, contrôler. L’embargo médiatique n’est pas qu’un réflexe autoritaire, c’est devenu une stratégie globale — au risque, parfois, de compromettre la crédibilité démocratique de ceux qui l’utilisent. Si Donald Trump, Russia Today ou la BBC peuvent être coupés, les congolais ne devront pas s’étonner que Joseph Kabila le soit également, surtout après s’être ouvertement affiché à côté du M23.
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